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GRAND PRIX

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Jacques-Henri Lartigues

1913

Lartigue aimait tout ce qui concerne les voitures - leur look intrigant, les accoutrements du conducteur, le pneu qui est éventuellement crevé. Le Grand Prix de l'Automobile Club de France de 1913 est l'une des images les plus mémorables du photographe ; cette estampe est une rareté, ayant été réalisée par Lartigue avant qu'il soit connu.

Souvent présentée comme la photo d’une Delage au Grand Prix de l’ACF de 1912, cette photo de Jacques-Henri Lartigue représente la Théophile Schneider pilotée par Croquet (et co-pilote Didier) à Amiens en 1913, toujours au Grand prix de l’ACF!

Le photographe avait alors 19 ans et, bien qu’il ait fait un mouvement pour suivre la voiture en prenant la photo, il n’a pas réussi à avoir la voiture en entier d’une part, ou à avoir une photo “droite” d’autre part… Il met la photo au rebut.

À cette époque, la conception des images photographiques est réglée par un académisme peu curieux d’expressivité ou d’expérimentations. La vitesse est un phénomène nouveau et seuls les futuristes se sont déjà demandé comment la représenter. Mais, dès les années 20, certains photographes commencent à utiliser les techniques de « bougé » pour exprimer l’effet de déplacement. Les avant-gardes expérimentent tous les types d’« accidents » photographiques et le principe finit par être largement admis. Dans les années 50, Lartigue sort sa photo des oubliettes et c’est un énorme succès. Sa photo devient rapidement un chef d’oeuvre unanimement reconnu et figure, depuis, au panthéon des meilleures photos du XXe siècle. Tout ce qui avait fait que l’image était ratée participe maintenant à son dynamisme : le flou de « bougé », la déformation des roues, le cadrage de la voiture qui va tellement vite qu’elle est déjà hors du cadre et les spectateurs cloués sur place par une déformation inverse de celle de la voiture. 
Que s’est-il passé ? Lartigue a-t-il fait preuve d’opportunisme en organisant sciemment la sortie de sa photo ? Je ne le sais pas (si vous avez des indications, merci de me les communiquer). Pour ma part, je ne peux m’empêcher de penser que, volontairement ou pas, Lartigue récolte injustement le fruit de tout un travail d’expérimentation qui s’est fait sans lui.

Comment s’est produit cet « accident » d’un point de vue technique ? Lartigue a utilisé un appareil muni d’un obturateur à rideau. Cet obturateur est constitué d’une fente qui se déplace parallèlement devant la plaque sensible. La plaque n’est donc pas exposée sur toute sa surface en même temps. Cela ne pose pas de problème lors de prises de vues statiques. Mais s’il y a un mouvement (du photographe ou du sujet) la plaque ne recevant pas tous les éléments de l’image en même temps, cela créé des déformations. 
Considérons que la fente de l’obturateur se déplace de bas en haut [1] Il y a 3 sortes d’altérations de l’image dans ce cliché : 
 Le plus simple est le flou de « bougé » du décor, qui est provoqué par le mouvement pivotant, de gauche à droite, du photographe qui suit la voiture dans son viseur. 
 La déformation des roues est due à la vitesse (angulaire) de la voiture qui est plus grande que celle du photographe. Le bas des roues est imprimé sur la plaque au début de l’exposition, puis, pendant que la fente se déplace vers le haut, la voiture continuant d’aller plus vite que le photographe, les autres parties de la roue sont vues toujours plus à droite. Au final, ce jeu continu de transitions produit un ovale. 
 La déformation des spectateurs est due au fait que, cette fois, la vitesse (angulaire) du photographe est plus rapide que celle des spectateurs (forcément, ils sont immobiles !) et l’effet est donc l’inverse de celui décrit ci-dessus.

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