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LE PICTORALISME

Un art nouveau : entre photographie et peinture

La photographie, popularisée à partir de 1839, est d'abord définie comme un procédé mécanique et scientifique permettant de capter la réalité visible. Le pictorialisme est la toute première école de photographie artistique. C'est également le premier mouvement international pour ce medium.

 

Explorant les genres artistiques traditionnels tels que le portrait, le paysage ou la vue d’architecture, les photographes pictorialistes s’attachèrent à mettre en avant la vision du sujet et à transformer le réel à l’aide d’artifices divers tels que flous, effets de clair-obscur ou cadrages tronqués, et de techniques sophistiquées de tirage autorisant l’intervention manuelle.

Figure de proue du pictorialisme français, Robert Demachy (1859-1936) obtenait des effets picturaux à l’aide des procédés dits pigmentaires, tels que la gomme bichromatée, comme le montre cette vue d’un bord de mer enneigé, datée de 1904 : à la manière des impressionnistes, le photographe s’est efforcé de créer une sorte d’atmosphère brumeuse en utilisant un grain épais et en jouant sur les différentes nuances de gris. Celles-ci permettent de distinguer l’un de l’autre les différents plans qui se succèdent en profondeur, du village entouré d’une espèce de flou à l’arrière-plan au rivage enneigé et maculé de traces noires occupant la plus grande partie de l’image.

Cette volonté de privilégier l’impression au détriment de la précision s’observe également dans cette vue du pont d’Ipswich prise à la même époque par le photographe américain Alvin Coburn (1882-1966). Il a recouru à un saisissant raccourci de cadrage : pris de la berge, son cliché donne à voir le pont dans toute sa hauteur mais coupé, et il n’a pas hésité à lui donner pour premier plan l’arche centrale du pont vue en contre-jour pour renforcer l’effet de masse. La force de cette photographie réside dans l’équilibre des contrastes entre les teintes claires du ciel et des pierres du pont et celles, foncées, des eaux du fleuve.

C’est également un effet de clair-obscur qu’a choisi Edward Steichen (1879-1973) pour représenter le « Flatiron » (« fer à repasser »), l’un des premiers gratte-ciel de New York, symbole par excellence de la puissance américaine. Datée de 1906, cette photographie porte en elle la plupart des germes de la modernité artistique : outre l’effet de contre-jour, qui relègue dans l’ombre les passants et les arbres situés au premier plan, le cadrage serré, coupant délibérément le sommet de l’édifice, et la brume qui l’entoure révèlent l’influence des recherches esthétiques de l’avant-garde américaine et européenne avec laquelle Steichen entretenait de fréquents contacts.

Ces trois photographies illustrent bien la diversité du mouvement pictorialiste : européen à ses débuts, ce mouvement abritait en son sein des écoles très disparates, regroupées à l’échelle nationale autour de grands clubs d’amateurs tels que le « Linked Ring » de Londres ou le « Camera Club » de Paris. À partir de 1902, il acquit une dimension véritablement internationale avec l’arrivée des photographes américains sur le marché, et ce grâce à Alfred Stieglitz (1864-1946). Après un séjour en Europe durant lequel il prit part aux activités du « Camera Club » de Vienne, ce photographe parvint à s’imposer comme le chef de file de l’école pictorialiste aux États-Unis. Il fonda en 1902 avec Clarence White et Edward Steichen la « Photo-Secession », une association destinée à faire reconnaître la photographie comme un moyen d’expression artistique à part entière. Stieglitz créa également la revue Camera Work, dans laquelle furent publiées les trois photographies faisant l’objet de la présente étude, et la « Galerie 291 », sur la 5e Avenue, pour accueillir les expositions des photographes pictorialistes et des peintres et sculpteurs représentant l’avant-garde européenne, tels que Rodin, Matisse ou Picasso. Ces relais institutionnels et ces relations privilégiées avec les tenants de l’art moderne ont ainsi permis à la photographie d’acquérir le statut d’œuvre d’art à la veille de la Première Guerre mondiale, en revendiquant l’importance de la vision subjecti

The Straight Photography (la photographie pure)

Il s'agit d'une prolongation de la photo-secession (le pictorialisme américain). Bien que les caractéristiques photographiques des deux mouvements diffèrent beaucoup, ceux-ci se voient rapprochés en la personne d'Alfred Stieglitz, personnage central de la photographie et de la scène artistique dans les premières années du siècle aux Etats-Unis. C'est par l'intermédiaire des publications de la revue Caméra Work, dirigée par Stieglitz, et plus particulièrement par les photos de Paul Strand, exposées en 1916 à la galerie "291", puis publiées dans les deux derniers numéros de la revue en 1917, que s'opèrent des modifications radicales dans les conceptions photographiques : Les rajouts de matières ou autres interventions sur l'image (et même sur le négatif) sont proscrits, la photographie doit être une composition générée par l'oeil du photographe et écrite par la lumière. Elle transcrit la réalité, mais possède sa propre spécificité plastique. Les thèmes sociaux ne sont pas du tout abordés. Les oeuvres deviennent très graphiques, parfois abstraites, et le moindre détail dans la chaîne de l'image photographique est scrupuleusement pris en compte. Les photographes travaillent dehors en lumière "naturelle" tout comme en studio !
En 1932, Edward Weston fonde en compagnie de Ansel Adams et de Imogen Cunningham, le groupe F64, du nom de la plus petite ouverture photographique (celle qui donne une précision extrême dans l'image). Le credo du Groupe F64 sera la rigueur dans la composition et perfection dans le rendu des tirages : Weston porte un nouveau regard sur l'objet et Adams sublime le paysage : La rigueur de leurs techniques photographiques produit une forme "d'épuration visuelle" de la réalité.     

       En Europe, et à partir de 1924, Rodchenko se rapproche  de certaines  préoccupations de la straight photography. Par des cadrages particuliers, des points de vue surprenants, ou par le jeu de contrastes lumineux, ses photographies expriment une nouvelle esthétique de l'image, à caractère graphique, dynamique et expérimental... Le moyen photographique s'apparente alors à un nouveau champ plastique et exploratoire de la réalité, qui servira beaucoup par la suite les recherches du Surréalisme alors naissant.

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Le surréalisme

 

Il s'agit d'un mouvement littéraire et artistique se dressant contre tous les modèles traditionnels et qui va trouver en la photographie, un médium tout à fait adapté à ses différents buts et recherches. Capable de rassembler à la fois l’expression de l’inconscient et la réalité, la photographie sera le support d’un grand nombre d’expérimentations : Photomontages, Photogrammes, Solarisations, Brûlages, ou tout autre manipulation… (Roger Parry, Raoul Ubac, Maurice Tabard…). Chaque éléments de la chaîne de production de l’image photographique sera également susceptible de devenir un point fondamental dans l’expression de l’artiste. Ainsi, cadrages, points de vue, éclairages, flous, autoportraits, agrandissements…vont être des sources potentielles d’interventions non conventionnelles. Les résultats obtenus pourront (se devront ?) être tout à fait étranges et surprenants. La problématique de la part du hasard dans l’œuvre sera explorée au maximum, et le sens de l’image remis radicalement en question. L’art va flirté en plein avec l’inconscient et donné formes aux fantasmes les plus divers ; Et pour certains, créer deviendra l’outil d’une forme de psychanalyse (Claude Cahun, Hans Bellmer…)

Le thème de la femme est central dans le surréalisme, et dans l’œuvre de Man Ray (1890-1976) particulièrement ! Celui-ci est un génial « touche à tout » et l’un des créateurs surréalistes les plus prolifiques. C’est à New york, à la Galerie 291 de Stieglitz (ce qui crée donc un lien direct entre la Photographie Pure et le Surréalisme !), qu’il découvre la photographie et commence à la pratiquer dès 1915. En 1920, il découvre le procédé du photogramme qu’il nomme « Rayogramme », et qu’il va explorer profondément. Il y aura même un rayogramme mis en mouvement dans son premier film datant de 1923 et intitulé « Retour à la maison ». Man Ray fût également peintre, sculpteur, cinéaste... Il aura utiliser et tester tous les procédés possibles. En tant que photographe, il aura exploré comme personne la solarisation, la surimpression, le photomontage, le flou… Il transcende ainsi la photographie documentaire et la fait passer dans le monde de l’imaginaire.

Le photojournalisme

Dès son invention vers 1826, les techniques de production et de diffusion de photographies ne cessent d'évoluer rapidement. En 1842, Fox Talbot publie le premier livre de photographies de l'histoire, The Pencil of Nature, en utilisant des tirages grand format des calotypes originaux.

En 1843, Jules Itier utilise un daguerréotype pour photographier la signature du traité de mille ans entre la France et la Chine, et même si l'image ne fût jamais publiée, elle marque pourtant la toute première trace d'une photographie à caractère "journalistique". C'est le photographe officiel de la maison royale anglaise Roger Fenton, qui donne naissance à la photographie de presse, lors de la couverture de la guerre de Crimée dans les années 1850. Il photographia méthodiquement 360 scènes de guerre où aucune forme d'horreur ne devait apparaître ! Ses photos seront rapidement exposées dans de nombreux lieux en France et en Angleterre, ce qui constitue une première utilisation de la photographie comme moyen "politico médiatique".

La guerre de Sécession au début des années 1860 sera beaucoup plus prolifique en plaques photographiques : Matthew Brady, portraitiste célèbre, arpente les champs de bataille et produit à lui seul plus de 7500 plaques, dont de très nombreuses montrent les horreurs de la guerre (cadavres sanglants, agonisants...) Pourtant il faudra attendre les années 1880 et l'invention de la similigravure : Une technique d'impression dérivée des procédés photographiques, pour voir des photos publiées dans les journaux. Le New York Daily Graphic est le premier journal à publier une photographie en page de couverture en 1880. En France, le 29 juillet 1881, une loi portant sur la liberté de la presse (et sur laquelle se fonde encore aujourd'hui la législation !) est instaurée et donne une plus grande liberté aux journaux. Ainsi avant la fin du siècle, profitant des divers progrès technologiques tels la pellicule souple ou la taille réduite des appareils photos, le photoreportage va alors glisser vers le photojournalisme, porteur d'informations et traduisant par l'image les différents évènements mondiaux. Les images seront bientôt associées à l'écrit, et dès la fin de la première guerre mondiale, l'esprit du photojournalisme sera très proche de celui que nous connaissons aujourd'hui (réponse quasi instantanée aux évènements, recherche de l'inédit, l'inattendu...) La photographie prend de plus en plus d'importance dans les journaux et les photographes cessent d'être anonymes. Le magazine "VU" qui est fondé en France en 1928 par Louis Vogel, est le premier illustré fondé essentiellement sur la photographie. Les pratiques se modernisent et Erich Salomon, qui se disait lui-même "photojournaliste" et non "photoreporter", est à l'origine à la fois de la "peopolisation" et du "paparazzisme" en 1931 lors de la publication un album de 102 photographies ayant pour titre "Contemporains célèbres photographiés à leur insu"  et dont les clichés ne relèvent aucune intention artistique et sont livrés à l'état brut.

Au moment même de la prise de pouvoir d'Hitler en 1934, une nouvelle génération de photographes apparaît, rédigeant eux-mêmes les textes et légendes des images et signant leurs photos : R.Capa, E.Smith... En 1936 aux États Unis, c'est le magazine Life qui devient le plus grand journal entièrement basé sur la photograp

La nouvelle vision

D’abord peintre et « designer », il débute son œuvre de photographe en 1924. Pour lui, la photographie doit bouleverser les habitudes et les stéréotypes visuels de la société soviétique. Il inscrit cette préoccupation dans une réfutation et une opposition radicale à la peinture : la photographie, activité et moyen d’expression populaires va bientôt se trouver à la portée de tous. Mais aussi, et peut-être surtout, elle peut remettre en question la manière de voir et de représenter le monde et la société propre à la peinture, de proposer une nouvelle vision capable de rejeter dans le passé les manières de voir appartenant à l’« Ancien Monde ».

Pour Rodtchenko, il ne s’agit pas seulement de changer d’objets photographiés mais de photographier autrement. 

Les coloristes de style documentaire

 « La couleur a toujours été l’invitée indésirable de la photographie », affirmaient deux critiques de Newsweek en avril 1976. Loin d’être anodin, le constat annonçait indirectement le renversement imminent de la situation décrite. Au cours des mois suivants, par le biais de deux expositions consacrées successivement au travail de William Eggleston (né en 1939) et de Stephen Shore (né en 1947), le Museum of Modern Art (MoMA) de New York allait créer un événement déterminant en faveur de la reconnaissance de la photographie couleur, et redessiner les frontières de la photographie artistique.

Cet épisode que l’historiographie a retenu comme un moment de basculement permettant à la photographie couleur de trouver sa place dans une histoire esthétique du médium par l’effet d’un processus de légitimation, désigne 1976 comme une année pivot à partir de laquelle s’opère une révélation et une valorisation de pratiques photographiques en couleurs. 

Sobrement intitulée “William Eggleston : Color Photography”, la première exposition personnelle consacrée par John Szarkowski au photographe de Memphis se tient du 25 mai au 1er août. Celle de Stephen Shore a lieu à la fin de l’année, du 8 octobre 1976 au 2 janvier 1977. Si elle vient confirmer les intentions du directeur du département de Photographie du MoMA d’imposer l’existence d’une expression photographique en couleurs, cette seconde exposition attire peu l’attention. Le débat critique s’est en effet déjà cristallisé autour d’Eggles­ton et des arguments développés par Szarkowski dans le texte d’introduction du William Eggleston’s Guide. La polémique déclenchée est révélatrice de l’enjeu que représente l’intégration d’un médium jusqu’alors déprécié sinon disqualifié par la critique et l’institution6. Hilton Kramer, le critique influent du New York Times, sera l’un des plus virulents en parlant de « snap­shots chics » à propos de ces photographies.

Dans cette perspective, la programmation de l’exposition Stephen Shore à la suite de celle d’Eggleston, rendait manifeste sur la scène new-yorkaise et américaine, un phénomène d’émergence d’une photographie couleur dont les principaux représentants étaient William Eggleston et Stephen Shore. Faisant cela, John Szarkowski affirmait l’existence d’une tendance nouvelle, parfois qualifiée d’école, rassemblée autour de l’usage de la couleur et de l’héritage de Walker Evans.

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