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L’invention de la photographie

Telle la lampe électrique ou le téléphone, la photographie s’inscrit dans la liste des inventions réalisées au cours de l’industrialisation au xixe siècle. Mais ses origines sont bien plus anciennes : quatre siècles avant Jésus–Christ déjà, Aristote décrivait ce qui deviendra le principe de base de la photographie : la chambre noire. Il faudra ensuite des avancées scientifiques dans les domaines de la chimie, de l’optique, de la mécanique et, plus récemment de l’électronique et de l’informatique pour voir apparaître la photographie telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Aristote décrit le principe de la chambre noire, sans toutefois pouvoir expliquer son fonctionnement. Ce n’est qu’à partir de la Renaissance qu’on commença à y parvenir, et à l’utiliser pour la topographie ainsi que pour la peinture d’art. Dans la deuxième moitié du xvi e siècle, on y ajoute une lentille, qui permet de donner une image plus nette et brillante. L’image est donc reflétée sur un support mais elle n’est pas fixée. Pour que la photographie puisse être inventée, il fallait donc capturer l’image obtenue. C’est par des procédés chimiques que les inventeurs ont réussi à créer la photographie, puisque la photosensibilité de certains composants permet de révéler les images.

Nicéphore Nièpce, un inventeur de Chalonsur-Saône, découvre que les sels d’argent permettent de fixer l’image sur un support. Il multiplie les essais de 1816 à 1829 et crée l’héliographie.

Ce procédé est lent et compliqué. De plus l’image n’est pas stable, c’est-à-dire qu’elle peut disparaître facilement de la surface de la plaque. En 1829 Nièpce s’associe à Louis Daguerre pour perfectionner les techniques mises en œuvre. Après la mort de Nièpce en 1833, Daguerre invente en 1837 le daguerréotype.

 

,Le 19 août 1839, lors d’une séance officielle à l’Institut de France, Louis-Jacques-Mandé Daguerre (1787-1851), décorateur de théâtre parisien, divulgua le premier procédé photographique qu’il était parvenu à mettre au point en tirant parti des recherches de son associé, Nicéphore Niépce. Surnommé « daguerréotype », ce procédé consistait à fixer l’image positive obtenue dans la camera oscura sur une plaque de cuivre enduite d’une émulsion d’argent et développée aux vapeurs d’iode. Permettant d’obtenir pour la première fois une reproduction directe et précise de la réalité, cette invention fut immédiatement saluée par l’ensemble de la communauté scientifique et franchit les frontières dès septembre 1839, rencontrant un grand succès à l’étranger. En France, l’impact du procédé fut tel que l’État décida en cette même année 1839 d’acheter le brevet pour le verser dans le domaine public, annonçant qu'i en fait don au monde.

Le succès commercial est immédiat. À Paris, peintres, opticiens et parfois marchands deviennent daguerréotypistes et ouvrent des ateliers. C’est le début de la mode des portraits qui va surtout attirer une clientèle bourgeoise.

Les multiples usages du daguerréotype

D’abord cantonné au domaine de la nature morte, en raison de la longueur des temps de pose, le daguerréotype reçut de nombreuses améliorations dès les années 1840 : tandis que la stabilité de l’image et la sensibilité de la plaque étaient renforcées, la durée de la pose diminua considérablement, passant d’une quinzaine de minutes par temps clair en 1839 à environ une minute. Désormais, les portraits au daguerréotype devinrent possibles, entraînant la multiplication des ateliers spécialisés dans ce type de prises de vue à Paris. Plusieurs d’entre eux se distinguèrent tout particulièrement : citons celui des frères Bisson, qui accompagnèrent les débuts de la daguerréotypie, réalisant des portraits en quelques secondes dès 1841. Leur atelier parisien vit défiler de nombreuses célébrités, parmi lesquelles Honoré de Balzac, dont le portrait, exécuté en mai 1842, peut être attribué à Louis-Auguste Bisson (1814-1876). Cette photographie est célèbre à double titre, car il s’agit du seul portrait photographique authentifié de l’écrivain et de la plus ancienne épreuve précisément datée de l’atelier Bisson. Ce portrait, qui se démarque nettement de la production stéréotypée de l’époque, représente le modèle dans une pose non conventionnelle, en buste, une main posée à hauteur du cœur sur la chemise largement ouverte, la tête légèrement de biais. Le fait que Balzac ne regarde pas l’objectif traduit sa défiance vis-à-vis du nouveau procédé – il lui prêtait un caractère magique et redoutait qu’il le prive de son enveloppe charnelle.

Le daguerréotype était également employé à d’autres fins, en particulier pour les prises de vue en extérieur. De nombreux amateurs-voyageurs se sont ainsi lancés dans l’aventure, parmi lesquels Joseph-Philibert Girault de Prangey et, surtout, le baron Louis Gros (1793-1870). Peintre et diplomate de profession, ce dernier pratiqua la daguerréotypie à l’occasion de ses déplacements à l’étranger, car il voyait dans le nouveau procédé l’occasion d’une reproduction « mathématique » de la réalité. Ses vues se distinguent par leur maîtrise technique, leur composition équilibrée et leur exceptionnelle luminosité, comme celle des Pont et bateaux sur la Tamise, prise lors de l’Exposition universelle de 1851 à Londres, où les reflets de l’eau et les nuances du ciel sont admirablement traduits grâce au miroitement de la plaque daguerrienne.

l’invention suscita un véritable engouement au sein d’un public cultivé d’intellectuels et d’artistes attirés par ses multiples possibilités d’enregistrement du réel. Se substituant à la gravure, le daguerréotype offrait par sa fidélité inconditionnelle à la réalité une nouvelle manière de voir le monde, plus exacte et exempte de tout remaniement. Grâce à la technique du cadrage, il permettait par ailleurs de faire ressortir certains détails ou, au contraire, de replacer les objets dans leur environnement, comme dans le cas des vues urbaines. S’attaquant à un vaste répertoire de sujets, les daguerréotypistes ont ainsi ouvert la voie à un nouveau genre de photographie dite documentaire, appelé à un grand avenir. Cependant, le succès du daguerréotype fut éphémère : dès sa naissance, de nombreuses critiques furent formulées à son encontre, qui visaient en particulier la lenteur des prises de vue, l’aspect statique des modèles et le miroitement de la plaque. De plus, le matériel photographique, lourd et encombrant, se révélait peu adapté à des prises de vue en extérieur. Ces défauts expliquent pourquoi le daguerréotype connut, dès les années 1850, une désaffection au profit de nouveaux procédés négatifs permettant d’obtenir une image reproductible, instantanée et fine.

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Toujours en 1839, l’annonce de l’invention du daguerréotype incita l’anglais William Henry Fox Talbot à reprendre des recherches interrompues, dont les débuts remontaient à 1834. En 1841, il breveta le calotype, premier procédé négatif/positif qui permettait la multiplication d’une même image grâce à l’obtention d’un négatif intermédiaire sur un papier au chlorure d’argent rendu translucide avec de la cire. Comme pour le daguerréotype, l’image latente était ensuite révélée au moyen d’un produit chimique, le révélateur : une solution d’acide gallique et de nitrate d’argent. Une seconde feuille de papier recouverte aussi de chlorure d’argent était ensuite exposée au travers du négatif translucide, pour donner le positif final.

En 1847, Abel Nièpce de Saint Victor, petit cousin de Nicéphore Nièpce, découvre quant à lui le moyen de remplacer le papier par du verre. Les plaques de verre sont plus sensibles à la lumière, et les images obtenues avec les négatifs sur verre sont plus nettes et plus précises, ce qui oblige les opticiens à mettre au point des objectifs plus performants. Ainsi, chaque nouvelle découverte dans un domaine entraîne des recherches plus poussées dans un autre.

Le procédé de Disdéri est considérablement moins coûteux que le procédé des daguerréotypes, toutes les catégories sociales peuvent désormais se rendre dans les studios photographiques.

Lorsque Disdéri met au point son procédé, il utilise la technique au collodion humide, qui constitue une avancée déterminante pour la photographie. Cette solution remplace la technique à l’albumine et permet d’avoir une qualité d’image encore jamais obtenue à l’époque. Ce procédé présentait toutefois deux inconvénients majeurs : les plaques de verre devaient être enduites de collodion juste avant la prise de vue, et le développement effectué immédiatement après. En effet, la plaque de verre perdait sa sensibilité si le collodion séchait. Le photographe transportait alors un laboratoire portatif lorsqu’il sortait. Les inconvénients du collodion humide furent palliés en 1871 par Richard Leach Maddox qui met au point la technique au gélatinobromure d’argent. La plaque sèche fait son apparition. Cela permet au photographe de préparer ses plaques photosensibles à l’avance. Le gélatinobromure, très sensible à la lumière, permet d’obtenir des photographies en une fraction de seconde. Les portraits sont moins figés, les clichés paraissent plus spontanés. En parallèle est mise au point l’invention du déclencheur ultra-rapide, qui permet la prise de vue de photographies instantanées : le cheval est pris au galop, le sportif sur sa bicyclette… Il est désormais possible de photographier sans trépied, ce qui transforme la conception des appareils. En effet, l’intérêt grandissant des amateurs pour la photographie amène les fabricants à concevoir des appareils de plus en plus faciles d’utilisation

En 1884, Georges Eastman, fondateur de Kodak, met au point des surfaces sensibles souples et des films en celluloïd qui vont progressivement remplacer les plaques de verre.

Dans les années 1880, apparaît massivement la photographie d’amateur. C’est aussi la période des premiers reportages de presse et guides de voyage. L’usage de la pellicule permet l’avènement du cinéma, dont le procédé est inventé par les frères Lumière en 1895.

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